Entretien avec Pascal BECACHE Cofondateur du Digital Pharma Lab et Co-Président du Comité Santé du Syntec Numérique

22 avril 2021

Nextep : Quelles sont vos priorités en tant que nouveau Président du Comité Santé du Syntec Numérique ?  

Pascal BECACHE : Le Syntec numérique est le premier syndicat des acteurs du numérique, représentant 80% du marché, 580 000 employés et plus de 2 000 entreprises. La santé compte pour une part importante puisqu’elle concerne à elle seule plus de 500 entreprises et 120 000 personnes. Cela dit, il y a des sociétés qui œuvrent à 100% dans le secteur et d’autres beaucoup moins car ce n’est pas leur activité principale ; la moitié qui sont des start-ups et l’autre des entreprises de taille déjà importante voire de grands groupes… Nous avons donc des adhérents avec des profils assez hétérogènes.

Ma première ambition est que tous ces acteurs retrouvent de l’enchantement à être adhérents au Syntec numérique et aient envie de participer à la vie du syndicat, y compris auprès des pouvoirs publics. Pour cela, il faut se montrer attractif et leur montrer qu’ils peuvent tous être utiles, par exemple en leur donnant la possibilité de participer largement et d’en embarquer le maximum dans le cadre de groupes de travail. Sur ce point, il faudra sans doute en aménager les modalités : sans abandonner l’aspect technique, il me paraît nécessaire d’en renforcer la dimension politique, pour développer des idées en vue des échéances qui s’annoncent. A travers cet objectif, j’ai également celui de faire rayonner l’action du Syntec numérique en santé, y compris par exemple en créant un arc avec d’autres syndicats.

Le deuxième point sera d’accompagner les start-ups. On parle beaucoup de souveraineté ou autonomie actuellement mais il ne faut pas oublier que cela implique de l’attractivité et que celle-ci passe d’abord par les start-ups, qui ont vocation à grandir et contribuer à faire prospérer l’économie du pays.

« Il va être important de bien flécher les budgets alloués mais aussi débloquer d’autres financements »

En troisième lieu, il semble important de discuter d’égal à égal avec les pouvoirs publics. Il faut saluer les efforts qui sont consentis dans le cadre des plans de relance français mais aussi européen. Cependant, si l’on peut se réjouir que 2 milliards d’euros soit dédiés au numérique dans le « Ségur »,  ils vont surtout servir aux éditeurs de logiciels pour se mettre en conformité avec les normes européennes. Même si cette mise à niveau est indispensable, ce n’est pas vraiment dédié à créer de la valeur additionnelle. Il va donc être important de bien flécher les budgets alloués mais aussi débloquer d’autres financements, par exemple dans le cadre d’une autre enveloppe, basée sur le quatrième Programme d’investissements d’avenir (PIA4), qui devrait faire l’objet d’annonces d’ici l’automne. Dans le même esprit, si l’idée d’une agence de l’innovation en santé paraît une proposition intéressante, le Syntec numérique souhaiterait que les investissements aillent directement aux projets dans un premier temps.

 

Nextep : Le secteur de la santé, notamment en France, vous semble-t-il mature et prêt au développement du numérique ?

Pascal BECACHE : Le numérique apporte clairement de la valeur en santé, notamment à un moment où la démographie nous amène à avoir plus de patients et moins de médecins. En outre, la crise a montré l’importance de tisser des liens avec les patients et a d’ailleurs servi d’accélérateur dans ce domaine, avec par exemple la téléconsultation ou certaines applications.

Comme dans d’autres pays, le premier enjeu se situe au niveau des professionnels de santé, qui sont naturellement capitaux dans le système et constituent les véritables catalyseurs de l’utilisation et donc de la diffusion d’innovations technologiques. Or, force est de constater que cela n’avance pas de manière homogène, ne serait-ce qu’en fonction des générations. A ce titre, la formation apparaît comme un sujet majeur et il serait logique qu’une partie des financements pour l’innovation en santé y soit attribuée. Mais, au-delà, il faut réussir à trouver comment embarquer tous ces professionnels de santé, qui sont clés car prescripteurs et donc décideurs.

Du côté des offreurs, la France ne dispose pas de champion national, à part Doctolib, qui reste une fierté isolée. En comparaison, les autres pays recensent plusieurs licornes dans le domaine de la santé. A mon sens, cela résulte de plusieurs manques, dont la priorisation politique. Il y a en effet en France un éparpillement des organismes et des financements. L’Etat ne joue pas pleinement son rôle de pilote et nous n’avons pas cette capacité à déclencher rapidement un effort massif sur un enjeu ciblé. Sans oublier évidemment la complexité de l’environnement français, qui rend de plus en plus difficile le montage de projets et peut décourager les investisseurs, notamment étrangers.

« Nous sommes convaincus que la France a le potentiel pour être moteur et leader en Europe, mais certainement pas en se refermant et en agissant de manière isolée »

Par ailleurs, en matière de santé, la France veut rester vigilante, tout en ayant besoin de toutes les forces vives. A ce sujet, nous avons la volonté de travailler avec toutes les entreprises de santé et du numérique, car nous sommes convaincus que la France a le potentiel pour être moteur et leader en Europe, mais certainement pas en se refermant et en agissant de manière isolée.

Si l’on devait donner une note entre 1 et 5 en termes de maturité, la France serait sans doute à 1 actuellement mais pourrait rapidement atteindre 3. Elle dispose en effet d’un environnement bouillonnant et il ne manque pas grand-chose pour lancer un véritable essor du numérique en santé dans notre pays. Et c’est notre ambition que de mettre à disposition notre énergie pour contribuer à transformer le potentiel en réalité.

 

 Propos recueillis par Guy Eiferman et Guillaume Sublet

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Guillaume Sublet

Guillaume Sublet

Senior Expert et rédacteur en chef des lettres d’analyse du cabinet

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