Opinion Santé : entretien avec Florence HALLOUIN, Directrice d’Atlanpole Biothérapies

« Le Grand Ouest est une région fertile pour l’innovation en santé »

Nextep : Pouvez-vous présenter Atlanpole Biotherapies et ses spécificités ?

Florence HALLOUIN : Atlanpole Biotherapies est un pôle de compétitivité en santé audacieux, né en 2005 dans les Pays de la Loire de manière indépendante et sans adossement à un grand compte. Il est positionné aujourd’hui sur les autres régions Bretagne et Centre Val de Loire.  Il est actuellement présidé par Franck Grimaud, Directeur Général de Valneva.

Nous rassemblons un écosystème riche de 230 membres avec plus de 150 entreprises, dont plus de la moitié sont des entreprises biotechs et medtechs. Nos membres sont majoritairement issus des laboratoires académiques.

Le pôle bénéficie de l’excellence académique de CHU très facilitants, qui accompagnent beaucoup de nos membres dans leur développement clinique et qui représentent accessoirement 65 000 emplois ! Beaucoup d’études de phases 1 et 2 se déroulent ainsi à Nantes, Angers, Brest, Rennes et Tours. Ces CHU représentent une force vive et un atout majeur sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour accompagner les entreprises et porteurs de projet.

« 20% des PME en santé, de moins de 50 salariés, sont implantées dans le Grand Ouest »

Il faut également savoir que 20% des PME en santé sont implantées dans le Grand Ouest. C’est l’occasion pour nous de trouver et d’accompagner les pépites qui apporteront des solutions d’avenir.

Nextep : Quelles sont justement les typologies d’acteurs présents sur le territoire?

Florence HALLOUIN : La majorité de nos membres est constituée par de jeunes entreprises en croissance, dans l’esprit de la start-up nation. Mais nous recensons également quelques grands acteurs, par exemple Ceva Santé animale à Angers, l’usine de production de Servier près d’Orléans ou encore, le l’IRT B-Com à Rennes adossé à Orange.

Nous travaillons par ailleurs en complémentarité avec des acteurs comme Polepharma, qui fait partie de notre Conseil d’administration,

« Avec le choix des biotechs dès le départ, nous concrétisons aujourd’hui la troisième ère de la médecine »

 Nextep : Y avait-il une orientation particulière pour Atlanpole Biotherapies à l’origine ?

Florence HALLOUIN : pour booster l’activité R&D en santé, nous avons fait le pari dès les années 90 de nous orienter sur les biotechs. Ce pari, c’est l’application logique de notre volonté de miser sur l’excellence en matière de recherche ainsi que de développer et valoriser l’innovation. Miser à l’époque sur les biotechs plutôt que sur la chimie, cela reflète parfaitement notre ADN, avant-gardiste et audacieuse. Aujourd’hui, nous concrétisons cette troisième ère de la médecine, après la chirurgie… et la chimie justement.

 Nextep : Comment se situe aujourd’hui Atlanpole Biotherapies en termes d’attractivité ?

Florence HALLOUIN : Nous sommes pleinement dans la course car l’innovation en France comme ailleurs est majoritairement portée par les PME ; ce qui est notre composante principale. L’exemple phare de l’innovation thérapeutique d’aujourd’hui est le développement conjoint du vaccin Pfizer contre le Covid-19 avec la startup BioNTech. Il illustre bien la complémentarité entre les start-ups et PME au départ et l’intérêt de l’appui de grands comptes dans un deuxième temps, permettant de soutenir les projets et de les faire aboutir plus rapidement.

Ce n’est pas un hasard si on a beaucoup entendu parler des entreprises du Grand Ouest dans le contexte de la crise. Nous avons dans nos régions l’exemple rennais de NG Biotech qui a proposé un autotest pour le Covid-19 et deux entreprises nantaises qui développent un vaccin contre cette même maladie : Valneva, dont le produit est en cours d’évaluation et pour lequel 60 millions de doses ont déjà été achetées par l’UE ; et OSE Immunotherapeutics. Et il y a encore Xenothera, qui développe un anticorps polyclonal pour éviter l’emballement cytokinique responsable des formes graves du COVID-19.

Pour produire des biomédicaments, nous avons besoin d’entreprises qui développent des biomolécules. Les plans France Relance et Innovation Santé 2030 ont donné l’objectif de 20 biomédicaments, qui nécessitent d’avoir des licornes qui font de la R&D et vont concevoir ces traitements. La crise sanitaire a par ailleurs permis de prendre conscience de la question de la souveraineté sanitaire, technologique et industrielle, c’est-à-dire l’intérêt à développer et produire sur notre territoire si l’on veut être un leader dans ce domaine. En conséquence, il faut impérativement capter des fonds dans cette optique.

De notre côté, nous avons déjà eu de très bons retours dans le cadre du plan France Relance puisque nous avons accompagné pas moins de 20% des lauréats en santé ; ce qui nous positionne indubitablement comme une région qui compte en matière de bioproduction !

Nextep : Quels sont les objectifs du pôle et ses axes de développement ?

Florence HALLOUIN : Au-delà des travaux concernant le Covid-19, le développement d’Atlanpole Biotherapies repose sur 6 axes.

3 axes historiques sur la conception de biomédicaments et le développement de la bioproduction, qui ont pour vocation de rejoindre l’enjeu national de développement de l’Innovation en Santé :

  • Développement de pointe sur l’immunothérapie et notamment l’immuno-cancérologie et l’immuno-transplantation.
  • Excellence scientifique sur la médecine régénératrice, comme la thérapie génique qui permet de corriger une fonction altérée par une anomalie génétique, la thérapie cellulaire ou les biomatériaux. Grâce à cela, on peut caresser l’espoir d’apporter des solutions pour plusieurs pathologies, les grands brûlés ou la reconstruction osseuse par exemple.
  • Radiopharmacie et médecine nucléaire grâce au Cyclotron, pouvant produire des radio-isotopes originaux qui, couplés à des anticorps, permettent de cibler précisément des organes, cellules ou antigènes dans l’organisme. Il y a un intérêt à la fois diagnostique et thérapeutique notamment dans le traitement de certains cancers avec des taux de survie faible (prostate, pancréas).

3 axes qui représentent notre besoin de disposer d’un environnement plus global :

  • Le digital, avec un vrai travail de fond réalisé au niveau des CHU au sein du groupement HUGO, sur l’exploitation des datas. Nous avons la chance d’avoir avec nous Pierre-Antoine Gourraud de Nantes-Université, qui nous accompagne de longue date sur le sujet.
    L’avantage du digital tient dans le développement et la relation patient/médecin. Pour le développement, cela permet de raccourcir les délais, actuellement autour de 10 à 15 ans. A côté, le suivi des patients est amélioré grâce aux dispositifs médicaux connectés qui informent le médecin en continu. Et, dans ce domaine, nous pouvons également nous appuyer sur d’autres forces comme le cluster WeNetwork à Angers.
  • La recherche clinique en nutrition avec Biofortis et la possibilité de proposer des essais clés-en-main. Cela reste plus proche du médicament que de l’aliment car il s’agit de travailler sur l’environnement qui peut optimiser l’effet de certains traitements chez les patients, de développer des compléments alimentaires pour limiter la perte de poids ou encore d’étudier les effets du microbiote.
  • La santé vétérinaire grâce à l’école ONIRIS de Nantes, avec un centre INRAe dans chacune des régions où nous sommes présents. Cet aspect est important notamment dans le cadre du concept OneHealth qui promeut qu’être en bonne santé implique d’évoluer dans un environnement sain. La pandémie est un bon moteur d’accélération de ces recherches puisque l’accent est mis sur les liens existants entre santé humaine et santé vétérinaire et les transpositions possibles de l’un à l’autre. Aujourd’hui, le frein majeur est financier.

 Nextep : Quelles sont vos perspectives pour l’année à venir ?

Florence HALLOUIN : Notre principal enjeu en 2022 est de favoriser les projets d’implantation d’usines et d’industrialisation, dans le cadre de France Relance ou autre. Les entreprises que nous accompagnons sont en hypercroissance et ont tendance à doubler leur taille chaque année. Elles ont donc d’importants besoins de fonds et d’accompagnement.

C’est la raison pour laquelle nous avons un projet de création fonds d’investissement pour permettre le financement de la croissance.

Propos recueillis par Guillaume Sublet

28 avril 2022

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