Opinion santé : Ilan Rakotondrainy, Président de l’Association Nationale des Etudiants en Pharmacie de France (ANEPF)

 

« L’évolution des études en pharmacie doit se faire au regard de l’évolution de la profession, avec des missions plus larges »

 

 

Ilan Rakotondrainy sur LinkedIn : C'est avec une grande fierté et beaucoup  d'enthousiasme que je prends…

 

Nextep : Quelles sont les perspectives et attentes des étudiants en pharmacie ?

Ilan Rakotondrainy : Nous avons quelques gros sujets, entamés déjà lors du mandat précédent. Le 22 avril 2024 nous avons lancé le Grand Entretien 3.0 auprès des étudiants pour disposer de leurs retours quant à leur condition actuelle, que ce soit en termes d’enseignement supérieur, d’affaires sociales, de précarité, de santé mentale, etc. Le Grand Entretien est réalisé tous les quatre ans ; ce qui permet de retracer l’évolution et donner une directive pour les années à venir.

Déjà, avec le numérique, la transition écologique, l’international et les échanges avec les autres acteurs de santé, nous savons que l’évolution des études doit se faire au regard de l’évolution de la profession, avec notamment des missions plus larges (vaccination, accompagnement, prise en considération de l’acte pharmaceutique) et plus seulement résumées à la dispensation.

Au niveau de la formation nous avons pour volonté d’œuvrer pour que la réforme du troisième cycle soit appliquée. Celle-ci a pour objectif de répondre à l’évolution de la profession, notamment en adaptant la formation vers une approche par compétences et davantage de pratique. 

Face à l’apparition des territoires fragiles, le maillage territorial est un enjeu majeur et cette réforme, avec la création d’indemnités d’hébergement de transport, pourrait d’ailleurs être une solution pour amener les étudiants à découvrir l’exercice rural lors de leur sixième année. Il est donc nécessaire de monter en puissance sur ce sujet et d’aller dans ces zones pour voir quel type d’accompagnement est nécessaire.

L’interprofessionnalité est par ailleurs souhaitée ardemment par les étudiants. L’essentiel est de travailler les uns avec les autres. Cela ne signifie pas seulement d’être complémentaires dans l’exercice mais aussi de l’intégrer dès les études. 

« L’interprofessionnalité est souhaitée ardemment par les étudiants »

Nextep : Quels sont vos objectifs en tant que Président ?

Ilan Rakotondrainy : La réforme du 3ème cycle des études des pharmaceutiques, dans la lignée des dernières mobilisations est un de nos objectifs primordiaux. Cela ouvrira ensuite la réforme des premier et deuxième cycles pour bien articuler l’ensemble.

Par ailleurs, il faut davantage de visibilité auprès du grand public pour la pharmacie et les études en pharmacie. « Bouge Ta Pharma » est un défi réalisé avec le soutien du CNOP (Conseil National de l’Ordre des Pharmaciens). Il a débuté le dimanche 15 septembre pour promouvoir les études et les professions pharmaceutiques.

L’ambition générale est de faire en sorte que les étudiants aient les cartes en main dans le cadre de leurs études ainsi que dans leur future profession.

« Le pharmacien a également un rôle à jouer dans la prévention »

Nextep : Comment envisagez-vous justement l’avenir de la profession, notamment sa place dans le système de santé ?

Ilan Rakotondrainy : Aujourd’hui, le pharmacien est un acteur central de santé, s’agissant d’un des professionnels de premier recours et de proximité. Il est par nature le plus accessible et disponible pour les patients.

Cela renvoie justement à l’interprofessionnalité, la nécessité de travailler avec les autres acteurs. Ce n’est pas seulement une vision sur la façon dont les pharmaciens doivent s’intégrer dans l’ensemble (ex : CPTS, MSP) mais un véritable enjeu de santé publique. Il faut arriver à ne pas considérer uniquement la question de santé mais le patient dans son entièreté.

Le pharmacien a également un rôle à jouer dans la prévention. L’enjeu du système ne doit pas être seulement de soigner une maladie mais s’assurer que les Français restent en bonne santé. Il faut donc participer au développement de la prévention, la sensibilisation, l’éducation thérapeutique du patient, etc.

Nextep : Quel rôle devrait jouer le numérique et l’IA ? Comment cela est-il intégré aujourd’hui ?

Ilan Rakotondrainy : Pour la rentrée 2024, un référentiel est censé être mis en place en M3C (Modalités de Contrôle des Connaissances et des Compétences). Il faudra déjà s’assurer qu’il est bien déployé et adapté. Il est impératif de bien comprendre les enjeux et le fonctionnement de ces outils, sans oublier de porter une attention particulière aux données de santé et aux conditions de la e-prescription.

A titre personnel, je pense que l’IA va révolutionner le numérique, qui avait déjà eu un impact fort sur nos activités. Si on ne forme pas les étudiants, à les intéresser et avoir un esprit critique, cela constituera nécessairement une grosse carence.

« L’UE est un enjeu essentiel dans le domaine de la santé et il faut nous en saisir »

Nextep : Et s’agissant du niveau européen ?

Ilan Rakotondrainy : L’Europe a naturellement une place importante et il faut être ouvert par rapport à cela. La fonction de pharmacien est totalement différente entre les pays et il est toujours important de regarder comment cela fonctionne ailleurs, y compris au-delà de la zone européenne, par exemple au Québec. Cela permet d’identifier de nouvelles idées et essayer d’améliorer le système en France. D’où l’importance des échanges comme Erasmus et les programmes Twinnet favorisant les échanges entre étudiants en pharmacie à l’échelle européenne. Clairement, l’UE est un enjeu essentiel dans le domaine de la santé et il faut nous en saisir.

 Nextep : Qu’attendez-vous du nouveau Gouvernement ? Quelles mesures urgentes souhaitez-vous voir figurer dans le PLFSS ?

Ilan Rakotondrainy : Sur le PLFSS, nous aimerions progresser sur la prévention, comme cela est d’ailleurs mis en avant dans le rapport charges et produits de la CNAM. L’an dernier, l’ANEPF a voté une contribution sur la prévention primaire avec la volonté de pouvoir agir avant la maladie et l‘idée de valoriser le pharmacien dans ce cadre. Ce qui a été fait avec les TROD montre une tendance qui doit encore se renforcer.

Par rapport au Gouvernement, les arbitrages étaient actés pour la réforme du troisième cycle. J’insiste car c’est la première fois depuis longtemps que les étudiants en pharmacie se sont mobilisés ; marquant l’importance d’adapter les études aux évolutions. Nous espérons donc que le nouveau s’inscrira dans la continuité.

 

Propos recueillis par Guillaume Sublet, le 22 août 2024

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