Janvier 2017 – Interview de notre Président Guillaume Bouchara dans Pharmaceutiques

Janvier 2017 – Interview de notre Président Guillaume Bouchara dans Pharmaceutiques

19/01/2017

Pour 2017, financer l’innovation thérapeutique : c’est possible !

Guillaume Bouchara, votre cabinet est spécialisé sur les questions économiques liées à la santé, notamment celles relatives à l’innovation thérapeutique. En quoi la question du financement est-elle majeure aujourd’hui ?

Le sujet du prix, du coût, de la valeur et donc du financement de l’innovation thérapeutique est effectivement au coeur de nombreux débats actuellement ; à raison ! Puisque l’on parle de produits, actes et maintenant services innovants qui sont pris en charge par la collectivité, il y a effectivement cette question de savoir com-ment celle-ci souhaite se donner les moyens de la financer, dans un contexte où les ressources sont toujours plus contraintes. Par ailleurs, si les progrès dans le domaine de la santé n’ont jamais vraiment cessé, nous sommes, il faut le reconnaitre, dans une période particulièrement riche en innovations et qui apporte de nom-breux espoirs pour les patients. Or, on le voit bien au lieu d’accueillir largement, rapidement et avec enthousiasme ces nouveaux produits on constate au contraire une pression croissante, évidemment sur les prix, par l’allongement des délais, mais également à travers les restrictions de plus en plus fréquentes des populations cibles pouvant bénéficier des traitements.

Si la France a toujours été en pointe en matière d’accès large et précoce aux innovations thé-rapeutiques, et même si elle dispose encore d’atouts importants, la régulation pratiquée aujourd’hui engendre de sérieuses inquiétudes tant chez les industriels que chez les patients. Le PLFSS2017 qui s’achève ces derniers jours en est une illustration flagrante. Il y a donc urgence à réagir !

Quelles sont selon vous les pistes pour répondre à ce problème du financement ?

Le point majeur est que les mécanismes actuels de valorisation et de financement de l’innova-tion ne sont plus tout à fait adaptés. Les produits et offres de santé ont largement évolué, le mo-dèle de l’industrie pharmaceutique lui-même s’est beaucoup transformé, mais, de l’autre côté, celui des pouvoirs publics, les méthodes et l’approche sont beaucoup plus difficiles à faire évoluer. En effet, pour les autorités, la période est complexe, tant pour les instances qui éva-luent que pour celles qui fixent les prix. C’est vrai aussi sur le plan de la dynamique politique autour des questions de santé. Or, il faut réussir à donner de l’air à l’assurance maladie et trouver de nouveaux espaces pour financer l’innovation. On parle depuis des années maintenant du fameux « Headroom for innovation » qui prend désormais tout son sens. Nous pensons que des marges de manœuvres existent à différents niveaux, et à plus ou moins long terme. Tout d’abord, même si la tension est déjà forte, il reste quelques espaces d’économies possibles dans l’enveloppe médicament elle-même, mais ils sont très modestes et les arbitrages politiques sont difficiles.

Ensuite, il faut assumer de vouloir investir dans la santé et valoriser les traitements qui sont à la fois sources de progrès mais aussi souvent d’économies significatives pour le système dans la durée. Il faut donc, comme le suggèrent la plupart des économistes de la santé, renforcer les arbitrages en fonction de l’efficience des pro-duits et « reverser » ou « réintégrer » dans le revenu des produits les plus efficients une partie des économies qu’ils engendrent dans le temps. Cela permet d’avancer dans une logique d’inves-tissement et non plus uniquement de gestion des dépenses.

Enfin, et c’est certainement le point le plus important, il est désormais absolument indis-pensable de trouver de nouvelles sources de financements au-delà de l’enveloppe santé. Sur ce point, il me semble que le Fonds Innovation prévu par le dernier PLFSS est un bon contre-exemple puisqu’il ne fait que recycler les taxes pesant justement sur les produits innovants et la croissance. L’industrie paye pour sa propre inno-vation, ce n’est pas très encourageant !

A l’inverse, l’application d’un principe de « pol-lueur payeur» paraît tout à fait pertinent appli-qué aux questions de santé. Si cela ne doit en aucun cas signifier qu’on laisse « déraper » les dépenses de médicament, et qu’il faut donc continuer à renforcer ou réformer l’évaluation pour qu’elle soit encore plus efficace (cf. Rapport Polton), il serait néanmoins tout à fait logique de mettre à contribution des produits dont les incidences négatives sur la santé sont connues (à l’instar du tabac et de l’alcool) et qui consti-tuent naturellement une source importante de dépenses de santé (produits chimiques cancéro-gènes connus consommés et/ ou rejetés dans l’environnement, emballages tels que bisphénol A, produits trop gras ou trop sucrés, etc…).

A titre indicatif aujourd’hui la taxe carbone a prévu de rapporter près de 4 milliards d’euros en 2017… de quoi aider au financement de quelques innovations ! Nous accompagnons au quotidien, chez Nextep, les entreprises du secteur santé sur ces problématiques, et il nous semble que des solutions concrètes existent et qu’elles sont à portée de main. Néanmoins, et quelle que soit la configuration politique en 2017, il faudra une impulsion claire dans ce sens pour débloquer cette situation critique en matière d’accès à l’innovation, et pour permettre au plus grand nombre de patients en France de disposer de nouveaux traitements plus rapide-ment et plus durablement.

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